hippo a écrit : ↑09 janv. 2025 16:45
...
et puis vos avis a vous deux sont particulièrement précieux , déjà par ce qu'ils n'arrivent pas aux même conclusions , mais surtout par ce que vous avez mis vos choix a l'épreuve
...
mais comme je le rappelle souvent aussi, même ceux qui veulent éviter les foules veulent généralement voir les endroits dont tout le monde a entendu parler,
...
Et ben oui, il existe d'autres façons de voyager. Tout dépends de ce que l'on recherche, de ses buts, de sa propre philosophie...
J'ai ma propre conception (bien personnelle

) du voyage.
Même si j'aime bien voir certains beaux endroits touristiques réputés (ce n'est pas pour rien qu'ils le sont...), je les crains jusqu'à parfois les éviter.
Un petit exemple :
Avec ma douce tendre et chère avec qui j'ai partagé 30 ans de ma vie dont la moitié à l'étranger (missions humanitaires et en voyages aux longs cours), nous sommes (entre autres) allées par 2 fois sillonner l'Amérique du Sud. 1992-1994 : 2 ans en couple en R4F6 4X4 Sinpar (fin du voyage à 3...) et 2002-2004 : 2 ans en famille (avec 2 enfants de 8 et 5 ans) avec un T3 Syncro. Au total, nous sommes passé 4 ou 5 fois à proximité du Machu Picchu et n'y avons pourtant jamais mis les pieds.
Pourquoi ?
Parce que pour nous, c'était ce que nous considérions comme un "piège à touriste" (déjà au siècle dernier) et ça ne nous intéressait pas (et ça ne m'intéresse toujours pas) de participer à cette "grand-messe touristique obligatoire". Nous concevons très bien que certains puissent être intéressés pour le visiter : nous respectons toujours le choix des autres (chacun à le droit de voir midi à sa porte). En 1994, alors que nous finissions notre premier voyage sur ce continent, un touriste rencontré par hasard à La Paz nous avait dit que l'on ne connaissait rien de l'Amérique du Sud puisque nous n'avions pas "fait le Machu Picchu". Lui finissait un voyage de 4 semaines où il avait "fait l'Amérique du Sud" en visitant tous les grands sites touristiques. Et comme c'est lui "qui a la plus grosse", il s'est fait un plaisir de nous nous énumérer ce qu'il ne fallait surtout pas rater (et que lui a bien évidement visité) : il était "allé" au lac Titicaca, avait fait une "expédition" sur le salar d'Uyuni, avait visité "la ville la plus australe du monde" (Ushuaïa), "fait" le Machu Picchu, avait "vu" la plage de Copacabana et les chûtes d’Iguaçu... Il se déplaçait en avion et logeait dans des hôtels (réservés à l'avance pour ne pas perdre de temps) car sinon, (je cite) "
il y a trop d'arnaque et on risque sa vie à tous les coins de rue". C'était SA conception du voyage. Je la respecte (à défaut de la comprendre), mais ce n'était pas la notre (et ça ne l'est toujours pas). C'est juste dommage pour lui de ne pas accepter d'autres conceptions du voyage, de se fermer à d'autres points de vues, de vouloir avoir toujours frimer, se mettre en avant et de se sentir supérieur... et surtout, au final d'avoir tellement peur de l'autre qu'il n'a jamais eu le moindre contact avec l'habitant.
Alors certes, selon lui, je ne "connaitrai" jamais l'Amérique du Sud.
Tant pis pour nous... mais ça ne nous a pourtant pas empêché de connaître "NOTRE" (rien de possessif dans ce mot) Amérique du Sud. On parle couramment le castellano et le portugais. A cause de notre accent (toujours différent de la région où l'on se trouve), on nous a régulièrement pris pour des "étrangers venant du pays voisin", voire venant seulement d'une autre province de leur pays. Mais pour nous, ce n'était pas suffisant et on n'a pas hésité à apprendre les rudiments des langues locales des régions traversées (quechua, guarani, aymara... et même le néerlandais) car ils nous est important de pouvoir communiquer avec la population que nous rencontrons. Nous allons chez eux : nous estimons que c'est à nous de faire le premier pas vers l'autre si nous voulons découvrir un minimum leurs cultures. Mais je le répète, c'est notre philosophie et je conçois parfaitement que ça puisse ne pas être la vôtre.
Bon, tout ça ne veut pas dire que l'on ne veut pas voir les sites touristiques. Juste à notre manière et quand c'est possible.
Oui, nous sommes allé voir les chûtes d'Iguaçu. Enfin, nous avons essayé d'aller à "leurs" rencontre. Trop brièvement à notre goût : au lieu de rester 2 heures sur place comme 99.9% des visiteurs (le temps de prendre 3 photos), nous n'y sommes resté "que" 4 jours et 3 nuits (à l'époque, le parking était gratuit et on pouvait même y passer la nuit). On a pu profiter du site rien qu'à nous du lever du soleil jusqu'à 10 h du matin. Puis on laissait la place à la première fournée de touristes qui sortaient des 30 ou 40 cars de voyage organisé. On revenait après 16 h, quand le parking s'était vidé, pour profiter de la belle lumière du soleil couchant. Et on y retournait même la nuit, à 3 heures du matin, avec l'appareil photo, le pied photo et quelques pellicules 400ASA. Et je peux vous garantir que d'avoir ce site pour nous tout seuls, à la pleine lune, sans entendre les exclamations allemandes, japonaises, nord-américaines... (rayez les mentions inutiles), avec juste le bruit assourdissant des chûtes (et les cris des animaux nocturnes), nous a laissé des souvenirs inoubliables...
Souvenirs que très peu de gens ont eu (ou auront) l'occasion de vivre !
hippo a écrit : ↑09 janv. 2025 16:45
...
et bien entendu tout le monde n'a pas le même usage ou la même recherche des difficultés en situation de voyage
...
et peut être que je me trompe et que plus de gens que je ne pense partent découvrir un pays sans une carte , un guide du routard ou au moins une idée en tête de ce qu'ils espèrent y voir. et dans ce cas, et en particulier lorsqu'on ne rechigne pas a l'idée de tomber dans des voies sans issus et a aimer faire des demis tours, on doit pouvoir s'amuser encore dans un certain nombre de pays en essayant de ne jamais mettre les pneus sur le bitume... pour quelques temps encore...
Mais alors, pourquoi je voyage et qu'est-ce que je recherche
Vous l'aurez compris, mes centres d’intérêts ne sont pas forcément les grands sites touristiques. Mais vous l'aurez aussi compris, je recherche avant tout le contact humain. Pour moi (je précise toujours et encore pour éviter les malentendus : c'est MA vision, et vous avez le droit d'avoir la votre), si c'est juste pour admirer un beau paysage, un beau site, de belles ruines, je m'abonne à Canal+, je me cale dans le canapé avec un verre d'Arran tourbé 15 ans d'âge et je verrai de belles images, bien cadrées et bien exposées, et j'en verrai plus et en apprendrai plus en 55 minutes de reportage que si j'étais sur place. Oui, je sais, il me manque le côté "immersion complète". Mais mon immersion à moi, pour être complète, doit être accompagné de contacts humains.
Pas de road-book ni d'itinéraire sur GPS, surtout pas le Guide du Routard ! Je n'aime pas marcher sur les traces des autres.
Je veux découvrir, sentir l'endroit, laisser monter mes émotions, y aller "au flair"...
Je veux rencontrer des gens qui verront en moi autre chose qu'un portefeuille sur pattes... même s'il est évidant que mon pouvoir d'achat est nettement supérieur aux leurs (j'ai beau faire partie des 10% des gens les plus pauvres de France, je suis pleinement conscient que la différence de niveau de vie fait que je suis dans la catégorie des 20% des gens les plus riches du monde).
Bon, je l'avoue, le flair ne marche pas à tous les coups ! On a, par exemple, atterri involontairement dans un quartier sud de Santiago du Chili qui était particulièrement réputé pour être "mal-famé" (mais ça, on l'a appris par la suite). On y est resté 3 jours et on s'est bien évidement fait visiter le véhicule (qui était pourtant garé dans un garage fermé). Le deuxième matin, le pare-brise était délicatement démonté (mais intact) et déposé contre le mur. Oui, il manquait des choses dans la 4L, mais rien d'indispensable et de non-remplaçable pour nous. Le temps de trouver un joint de pare-brise à adapter (le voleur avait découpé l'autre au cutter, certainement pour éviter de faire du bruit), d'acheter un bout de ficelle pour le remonter et 3 h plus tard, on en riait presque.
Et vous savez quoi ? Le pire, c'est qu'on garde un très bon souvenir de cet endroit.
Mais tout ça ne dit pas pourquoi, quand je voyage, j'ai "besoin" d'un 4x4
Pas pour faire du franchissement pour le fun, non (même si, je l'avoue, je suis assez fier de moi d'avoir réussi à passer à certains endroits).
1ère à droite... 2ème à gauche... tiens, une piste qui à l'air de se perdre dans la montage.
- On y va ?
- Bien sur qu'on y va !
Et on va la suivre 10, 50, 100 km ? Peu-importe la distance. Les traces s'amenuisent... Il y a un bourbier de bonne glaise épaisse ? Pas grave : on va faire un tour à pied pour sonder et baliser l'itinéraire, on passe en 4x4, on met les chaînes, on prépare la pelle... et on fini par sortir le tire-fort !
Il parait qu'un bain de boue, c'est bon pour la peau... Autant en profiter !
On continue... Oh, la belle côte caillouteuse, bien ravinée ! On va reconnaître le terrain, on dégage les plus gros cailloux qui pourraient arrêter la progression, on prévoit éventuellement de contourner les plus grosses (j'ai oublié de prendre les pains de dynamite), on dégonfle un peu les pneus pour que ça sautille moins et qu'ils épousent mieux les petits cailloux (sinon, c'est l'arrêt de la progression car on utiliserait la force motrice pour juste les éjecter par derrière), on passe en 4x4 (pas de bloc diff arrière)... Tiens, à regarder loin et déblayer la côte, j'avais pas repéré ce croisement de ponts avant d'attaquer la montée. On reprend en souplesse et on continue (et on verra plus tard pour la descendre : demain est un autre jour) !
Voilà pourquoi il nous faut un 4x4. Pour moi, ce n'est pas un but, mais un moyen.
Car au bout du chemin, demain ou dans 2 jours,on découvre une maison de berger, ou un petit hameau avec juste 4 ou 5 familles qui vivent là plus ou moins en autarcie.
Et vu la peine qu'on a eu pour venir jusque là, on sait d'avance qu'ils n'ont jamais vu le moindre "touriste" arriver chez eux !
- Qu'est ce que vous faites là ? Vous vous êtes perdu ?
- Non ! On viens vous voir !
- ! ? !
Pourquoi ? Qu'ais-je de si spécial pour qu'un étranger vienne jusqu'à moi, pense-t-il ?
Ça y est : le contact est établie. Nous, on veux tout savoir d'eux, mais eux aussi veulent tout savoir de ces gens bizarres qui viennent de si loin les voir. Il va y avoir un échange, chaleureux. Et comme ce n'est pas à but mercantile (ouf : ils n'ont rien à vendre), il n'y a pas d'arrière pensée. On se dévoile, on se parle... et il y a automatiquement une demande mutuelle de se découvrir. La chaleur humaine fait le reste. On est les bienvenus. On a notre tortue sur le dos et on n'est pas venue squatter et profiter d'une population qui est plus pauvre que nous (dieu sait qu'on en a rencontré, des "voyageurs-pique-assiettes" qui se vantent de voyager avec moins de 1 €/jour... mais sur le dos d'une population qui ne possède rien. Et le pire c'est qu'ils se refilent entre eux les "bonnes" adresses...). Nous, on peut rester le temps que l'on veut : on est autonome pour se déplacer, dormir, boire et manger. On va pouvoir partager de bons moments. On met un point d'honneur à être dans le partage. Alors on propose systématiquement un coup de main à la communauté. Et ça fait du bien à mon égo personnel. J'ai la sensation de recevoir plus que je ne donne : je ne suis qu'un ignare et j'apprends toujours une foultitude de choses au contact d'autres cultures. On bosse ensemble, on discute, on rit, on essaye de se faire comprendre dans un dialecte qu'on est loin de maitriser (et on fini par y arriver), on partage les repas... Mais pas que "leurs repas", on partage aussi les nôtres (il faut toujours être dans l'échange pour être égaux).
Apprendre à donner pour recevoir, ça c'est de l'investissement utile !
Alors bien sur, j'ai une carte papier du pays (et maintenant un GPS) car il faut parfois trouver une ville (faire le plein d'essence, retirer du liquide ou chercher une pièce pour réparer...), passer par la capitale (pour faire faire l'éventuel visas pour le pays suivant, chercher -et trouver- un dentiste) ou sortir rapidement du pays (car à force de fureter, il ne reste que 3 jours sur les visas pour faire les 200 km de piste qui nous séparent de la frontière...).
Mais il ne faut pas céder à l'éventuelle tentation (perverse) de mettre le GPS en route. Le GPS, c'est quand je veux aller du point A au point B. Moi, je veux rencontrer des gens, faire connaissance, partager... et pour ça, il n'y a pas de base de donnée à télécharger, pas de POI à "plotter" (néologisme franglais) sur la carte.
Surtout NE PAS METTRE LE GPS EN ROUTE : je risquerai de ne pas me perdre !
Mais être perdu, c'est quand on ne sais pas où on est. Quand on est là alors qu'on pensait être ailleurs !
Moi, je sais où je suis : là où j'aime être. Là où les chemins ne sont pas indiqués sur la cartographie, là où ça fait 2 mois qu'est passé le dernier pick-up (chargé comme un mulet) qui a mis 48 heures pour aller approvisionner la "tienda" tout là-haut...
Voilà ma façon de voyager. En fonction de son mode de vie, on a le droit d'y voir des inconvénients : insécurité, peur latente de l'autre, de l'"étranger" (as-tu pensé qu'à l'étranger, c'est toi l'étranger), risque pour ses biens matériels "durement acquis", risque pour sa vie et surtout celle des gens qu'on aime et avec qui on voyage. Mais pour moi, la balance bénéfice/risque reste positive. Et je n'ai pas envie de vivre dans une prison (fut-elle sur 4 roues motrices, avec 200CV sous le capot) et de me contenter de suivre le troupeau.
Alors oui, j'ai une autre expérience dans l'humanitaire (quand tu travailles en zone de "conflit armé" et que tu as la responsabilité d'un camp de réfugié de quelques milliers de personnes, on arrête de rigoler). Mais ça m'a permis de pouvoir sentir le risque, de l'apprécier... et finalement de l'accepter.
Mais avant tout, je fais le pari d'offrir ma confiance à l'être humain, quel qu'il soit. Et je sais que quand on va au devant de l'autre, quand on s'ouvre à lui, quand on lui fait confiance, la probabilité d'être trahi est en chute libre. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de risques. Juste que je les accepte.
Il m'est pourtant bien arrivé des mésaventures... J'ai déjà été maintenu par 2 hommes et mis en joue par un troisième : ils étaient persuadés que je venais chez eux voler les organes de leurs enfants (ils juraient avoir vu des bocaux avec des cœurs, foies et reins dans mon véhicule). Je me suis retrouvé plusieurs fois braqué par des militaires (quand la tension monte, que tu es à poil et que tu as un AK-47 pointé sur ta gueule, tu fais moins le malin). J'ai passé des jours bloqué à des check-points. J'ai "campé" dans des "no mans land". Je suis déjà passé par la "case prison", tant en zone rebelle que gouvernementale ; ça dépend dans quel sens tu voyages : une fois à l'aller, une fois au retour... Et comme au Monopoly tu ne passes pas par la case départ et tu ne prends pas 50.000 €. Tu te contentes de passer ton tour et d'essayer de répondre aux questions lors des interrogatoires...
Jusque là, ce n'était pas (pas encore ?) mon heure et ça c'est bien fini (je croise les doigts).
Mais si j'accepte les risques (en connaissance de cause), c'est bien parce que je garde confiance dans l'être humain et que je désire continuer à essayer de connaître ceux que je ne connais pas !
Putain, y'a du taf pour encore quelques siècles de voyage !
Voilà donc "ma" façon de voyager. Personnelle et entièrement discutable, je le conçois. Mais chacun à la sienne.
Puissiez-vous juste trouver celle qui vous corresponde pour ne pas faire fausse-route (y'a pas de GPS pour ça) au risque de vous perdre dans les méandres du néant !
Rémi
PS pour Hippo : désolé pour ce long laïus ! Tes questions m'ont fait réagir mais ce n'est sûrement pas l'endroit le plus adapté sur le post d'un "nouveau venu, déjà perdu !!". Je te laisse le soin de le déplacer/recopier dans un sujet plus adapté aux raisons et à la façon de voyager... Merci à toi !