En effet, la communauté européenne nous oblige à respecter des normes Euro 5, 6, bientôt 7 en matière de rejets moins polluants (gaz d’échappement). Il faut savoir qu’en dehors de la zone « propre » européenne, des carburants permettant de respecter ces normes n’existent tout simplement pas. Les fonctionnaires zélés de l’Europe ont même réussi à imposer aux constructeurs d’installer des mouchards embarqués dans nos véhicules. Des mouchards qui en cas de non respect de la norme amènent le conducteur à être « sanctionné ». [termes entre guillemets utilisés dans le texte de la documentation MAN] ; le moteur passant alors en mode « rampant », soit 20 km/h. Une telle vitesse est tout simplement effarante pour la circulation et on conçoit aisément le danger encouru pour les conducteurs quand ils se retrouvent condamnés à parcourir des centaines de kilomètres à 20 km/ h… tout simplement pour ne pas avoir eu accès dans les pays qu’ils traversent au carburant correspondant aux lointaines normes européennes. On croit rêver mais c’est malheureusement un vrai cauchemar.
Un cauchemar de la route imposé par Bruxelles aux conducteurs, au nom de diktats des protecteurs du climat, du lobby des constructeurs et de leur protectionnisme commercial. Le seul à en pâtir est le client-conducteur, c’est à dire vous et moi, qui n’est nullement pris en compte - voire ostracisé - dans sa liberté de voyager hors des frontières de son pré carré européen.
On a fait tomber le mur de Berlin en 1989 mais on en a érigé bien d’autres depuis, invisibles mais agissants. L’Europe d’un côté, les USA de l’autre, les pays développés, d’autres moins développés… Ainsi, au fil des dernières années, on a réussi à cloisonner le monde. Il apparaît comme un mirage, l’âge d’or de la Croisière Jaune … La conséquence pour le naïf voyageur des temps modernes que nous sommes est que sa liberté de circuler est cantonnée de fait à sa zone géographique.
Mon cas :
Je suis immobilisé depuis 3 semaines à Ulan-Bator, Mongolie, après ma traversée de l’Europe, de la Russie et avoir sillonné une grande partie du territoire mongol. Mon camion (MAN 18.340 4x4 Euro 6b), faute de carburant ad hoc, est sur le point de passer en mode rampant (20 km/h) à cause des normes européennes. Il est impossible de trouver du gasoil aux normes Euro 6 en Russie et en Mongolie. Ainsi la norme Euro 6 ne peut pas être respectée. Les capteurs le détectent et vous mettent, après un certain nombre d’heures de conduite, en mode rampant.
Tout cela est d’autant plus incongru que la ville d’Oulan-Bator a été classée par le Time comme la capitale la plus polluée au monde (la qualité de l’air dépassant de 133 fois la norme OMS).
Bien sûr, il n’existe pas de concessionnaire MAN en Mongolie ; aussi il ne vous reste plus qu’à vous rendre chez le concessionnaire le plus proche existant, à savoir à Irkoutsk en Russie, soit quelques 1000 km à 20 km/h. Enfin, pour simplifier les choses, Traton-Volkswagen (actionnaires majoritaires de MAN) sont sortis de Russie suite à la guerre en Ukraine : le dépannage en souffrira forcément.
Déplacement en Russie sans assurance de surcroît, puisque cela fait partie du cortège des sanctions européennes.
Puisqu’il s’avère donc impossible de réparer en Mongolie, j’ai demandé à des amis en France de contacter quelques concessionnaires MAN en France, au Luxembourg et en Belgique, 11 au total. Bien qu’avant mon départ de France lors de la révision de mon véhicule chez MAN, on m’avait assuré qu’il n’y avait aucun problème à se rendre en Mongolie, aujourd’hui ceux-ci ricanent du mode rampant inévitable et suggèrent (2 d’entre eux) que mon véhicule rentre sur un porte-char. Mais le plus inquiétant est que personne n’ait la moindre solution à me proposer.
Enfin, l’aide MAN internationale s’obtient avec un numéro 0800… que l’on ne peut pas appeler depuis l’étranger ; c’est ce que l’on appelle du service, mais personne ne s’en plaint. C’est sans doute l’officialisation tacite que l’international n’existe plus. Restez en France, voire en Europe, mais plus jamais au-delà. Alors que faire ?
La mallette ou ramper ?
On peut, bien sûr, partir avec une valise de diagnostic MAN pour le coût modique de 8000 euros et effacer les défauts quand ils surviennent. Ce n’est malheureusement qu’une réponse ponctuelle qui permet d’éviter le mode dégradé mais qui ne résout pas le problème de fond.
La réponse du berger à la bergère ?
Certains (nombreux) envisagent de supprimer electroniquement l’analyse en continu des mouchards. Différentes sociétés proposent ce service. Certains conducteurs y ont recours. On revient ainsi à un Euro plus ancien, on pollue davantage mais on dépense moins et surtout on ne risque plus de se retrouver en mode dégradé de l’autre côté de la planète. Là tout redevient « normal » et on peut à nouveau circuler. Bien évidemment la chose est interdite et susceptible de toutes les sanctions possibles. Il est important de savoir que la suppression du dispositif AdBlue n'est pas autorisée par la loi, et ce, même si cette opération est indétectable lors du contrôle technique. Donc n’y pensez même pas dans vos rêves les plus fous.
Devant cette situation chacun fait ce qu’il peut en son âme et conscience. A défaut et en ultime solution : rester chez soi. Mais alors à quoi bon disposer d’un véhicule d’aventure au long cours.
Tout ceci pour nourrir la réflexion sur un sujet ultra-sensible, et d’un certain point de vue, assez irrationnel ; et partager ici ce qui m’arrive, car la même chose pourrait bien vous arriver.
Bon courage et bonnes routes !
