Savoir anticiper les risques en milieu hostile désertique
Savoir anticiper les risques en milieu hostile désertique
SAVOIR ANTICIPER SUR LES RISQUES EN MILIEU HOSTILE DESERTIQUE
Je n’ai pas l’habitude d’intervenir sur les forums après certains messages sur le risque ou l’inconscience de fréquenter le désert, milieu hostile par nature.
Mais je voudrai vous faire part de mes quelques années d’expérience en ce milieu..
Le scénario ci-dessous qui peut aboutir à une catastrophe grave voir très grave… mort sur place, n’est qu’une reconstitution de faits réels vécus après 25 ans d’expérience de milieux hostiles, et qui heureusement ne se sont pas cumulés au même instant et au même endroit. Sinon je ne serai vraisemblablement plus là pour vous en parler.
Je souhaite simplement vous faire prendre conscience où peut entraîner la spirale infernale des risques mal maîtrisés.
Par une journée qui s’annonce très belle dès le matin au lever, voire même exceptionnellement chaude pour la saison, nous décidons de rallier un point GPS donné et ceci chacun de notre coté par l’itinéraire qui nous semble à chacun être le meilleur. C’est un petit challenge que nous avons l’habitude de nous donner pour confronter notre expérience de navigation et de progression dans les dunes. Le dernier arrivant le soir au bivouac au point GPS devant payer l’apéritif aux autres. Ceci revient à progresser seul, un seul véhicule sur un itinéraire pas du tout fréquenté.
Départ chacun pour soi dans une bonne ambiance de challenge et d’excitation, et surtout ne pas dévoiler ses intentions aux autres au cas où cela leur donnerait des idées, car naturellement mon itinéraire sera le meilleur, le plus rapide, et je serai le premier arrivé au point GPS. Donc départ sur un cap faux pour tromper l’adversaire.
Les premières dunes se passent très bien, le sable du matin est porteur, et la température agréable, pas du tout fraîche pour la saison. L’enthousiasme aidant je commence à prendre quelques risques en tirant tout droit dans de belles dunes sur un sable bien porteur, ce qui ne nécessite pas d’aller repérer les passages à pieds.
Puis ayant emprunté un plateau dunaire bien porteur, j’ai bien progressé le long de celui-ci avec une certaine facilité. Mais au bout d’un certain temps je me rends compte que je dérive par rapport au cap pour aller au point GPS, et je vais devoir faire une correction de cap. Qu’à cela ne tienne, j’ai l’habitude de ce genre de situations.
Donc 45° à droite en avant toute…
Tiens le sable est d’un coup bien plus mou, 1° plantage, pelletage et hop je repars. Pas pour longtemps, 2° plantage… idem je repars… puis au bout de quelques plantages il me faut sortie les plaques. Je suis aussi expérimenté à cela. Pas de problèmes… Mais le problème se reproduit de plus en plus fréquemment, et je constate que je transpire beaucoup à chaque fois, et que je consomme pas mal d’eau pour me ré-hydrater après chaque plantage… et même que la température est passablement montée depuis ce matin agréable, trop agréable peut être ce matin tôt.
Bigre ce nouveau plantage qui me paraissait anodin m’a un peu épuisé…et je me suis un peu excité sur la mécanique du véhicule pour en sortir car mon objectif d’arrivée le premier semble bien compromis. Une odeur de chaleur s’est dégagée du compartiment moteur, il va falloir faire gaffe…
Putain de merde, quel con je n’avais pas vu ce bordel de trou dans lequel je viens de me foutre comme un bleu…Le ton monte c’est pas bon signe…
Je m’excite à essayer de m’en sortir avec de multiples manœuvres en marche avant et marche arrière, mais rien n’y fait et j’enterre le véhicule de plus en plus. J’aurais dû sortir les plaques tout de suite…Je sorts du véhicule et il fait tellement chaud que je dois boire avant même de commencer à pelleter. Ce trou est un étouffoir. Je bois et rebois sans cesse pour pouvoir continuer de pelleter et d’essayer de poser les plaques. Je m’excite sur les plaques, aie je me tape la tête au tirant de pont, zut je finis par bien me couper un doigt avec ces bavures sur les plaques car dans la précipitation je n’ai pas mis les gants.
Je suis épuisé, mais j’ai réussi à mettre les plaques sous les roues, et bizarrement en me relevant j’ai eu comme un vertige… je dois vieillir…
Après avoir encore rebu presque un demi-litre je remonte dans le véhicule, il y fait une chaleur d’enfer le soleil ayant tapé sur la carrosserie pendant l’heure qu’il m’a fallu pour pelleter et mettre en place les plaques. Un peu épuisé, je m’empresse de démarrer le moteur pour sortir de ce trou au plus vite, et je contrôle mal la manœuvre et les plaques ripent dans un bruit d’enfer…Le véhicule n’a pas bougé…Je sorts précipitamment pour constater que les roues ne sont plus sur les plaques. Je vais devoir recommencer tout à zéro, et j’ai le moral à zéro.
Une heure plus tard après beaucoup de transpiration et d’eau consommée, je prends un peu de temps pour reprendre mon souffle et me concentrer pour ne pas rater la manœuvre.
Je repère même où je vais m’arrêter pour venir récupérer les plaques après m’être sorti de ce trou. Ok je suis prêt, et concentré.
2° courte, un filet de gaz, embrayé doucement, doucement, doucement… j’ai relâché entièrement la pédale et rien ne s’est passé, les roues ne patinent pas !!!???
Concentration, la vitesse a dû sauter…Vérification, point mort, 2° courte, embrayer doucement, un filet de gaz… Rien…Re-concentration… vérification de la boîte de vitesse puis de la boîte transfert, enclenchement longue puis courte, vitesse 2°… rien
Bon on se concentre, essai en 1° rien, essaie en longue rien, essai en marche arrière rien, rien rien de rien…
Seul un ronflement bizarre en provenance de la boite transfert…
J’essaie toutes les configurations possibles et imaginables… RIEN…
Le sang me monte à la tête… C’EST CASSE !!!!!!!
Merde de merde de merde…
Qu’est ce que je fais, et qu’est-ce que je vais pouvoir faire dans ce putain de trou ????
Je me surprends à avoir un tremblement de frisson, et pourtant il fait une chaleur d’enfer.
Cool, il faut respirer longuement, décompresser et évaluer la situation. Tiens le ciel s’opacifie.
Bon les copains, je vais les prévenir par VHF, non c’est même pas la peine d’essayer, au fond du trou, au milieu des dunes, vu le cap que j’ai pris au départ, on est beaucoup trop éloignés, alors je vais sortir la grosse artillerie : le téléphone satellite Thuraya, et ils vont venir me sortir de là.
Bon où j’ai mis le Thuraya… ah oui dans mon sac à l’abri de la poussière, et dans le ziplock.
Encore un effort épuisant dé-sangler et sortir les sacs. Je mets la main sur le Thuraya, le mets en marche… il ne s’allume pas, c’est pas bon signe. Re-essais même résultat. La batterie doit être vide, je ne l’avais pas vraiment contrôlée car je ne pensais pas en avoir besoin.
Je refouille dans mon sac et je sorts la prise allume-cigare que j’avais pris la précaution d’acheter et d’amener, on n’est jamais assez prévoyant quand on est dans le désert.
Je la branche, je rallume, ouf il s’allume…
J’attends que le protocole de roaming s’exécute. Tiens c’est bien long. J’attends encore et mon regard se pose à l’extérieur du véhicule au sommet de trou où… une rafale de vent soulève un paquet de sable qui vient se briser sur le pare-brise. Mauvais signe, le vent se lève…
Je reporte mon regard sur l’écran du Thuraya, toujours rien. Bon, concentration, il va falloir réinitialiser le protocole. Cela je sais le faire pour l’avoir de multiples fois enseigné à des co-équipiers. Aller je le reprends depuis le début.
A l’instant où je valide, je reçois le message PAS DE RESEAUX.
J’étais pourtant sure d’avoir fait tout correctement, qu’à cela ne tienne, je recommence tranquillement depuis le début en vérifiant bien à chaque étape.
Au bout du quatrième essais, je dois me rendre à l’évidence, il n’y a pas de réseau, donc PAS DE POSSIBILITES D’APPELER QUELQU’UN A MON SECOURS.
Je commence à trembler d’effroi voire de peur.
Là je ramasse en pleine figure une rafale de sable par la vitre de la portière restée ouverte.
Instinctivement je relève la glace, et lorsque celle-ci arrive en haut je sursaute d’effroi… le vent de sable est en train de s‘établir. Je sorts en trombe du véhicule, escalade le bord du trou, et là l’horreur, il n’y a déjà plus d’horizon et le sable court à grande vitesse à l’horizontale.
Je redescends précipitamment dans le trou et je m’enferme dans la voiture. En 15 secondes je suis trempé de sueur tellement la température est élevée, et je dois boire car j’ai la gorge sèche et la langue pâteuse.
Bon tant pis pour le sable qui va rentrer, je dois ouvrir la vitre pour ne pas suffoquer.
Bon, je respire profondément, encore et encore afin de me calmer.
Je n’arrive plus à me concentrer, je vais prendre un papier et un crayon pour noter la situation et mes idées à ce sujet.
Il est 17 h. Le vent a effacé mes traces. Je ne peux contacter personne. Je ne suis même pas sur l’itinéraire théorique qui mène du point de départ au point GPS. Il va falloir passer la nuit ici au fond du trou dans la voiture…Belle réjouissance, et demain !!! ???
Je n’ai pas mangé à midi, et je n’ai pas faim, seulement soif, soif, soif…
Toute la nuit, je vais faire des allers et retours avec le sommet du trou, pour ne constater que le vent ne se calme pas, et que progressivement le trou se remplit de sable qui commence à recouvrir les roues . Le seul moment où je m’assoupis, un horrible cauchemar me réveille en sursaut et en sueur, le sable est en train de m’ensevelir, et je ne peux plus respirer, comme dans le film Laurence d’Arabie où la personne disparaît dans les sables mouvants.
J’ai la bouche pleine de sable, et je me précipite à l’extérieur pour voir si le véhicule n’est pas ensevelit lui aussi. Ouf, guère plus que 3 minutes avant…
Toute la nuit, il a fallut que je boive pour m’hydrater.
Le matin, une lumière glauque, le vent qui continue à rugir de force.
Question : que faire, il n’est pas question de quitter le véhicule car là je suis mort avec certitude, mais qui va venir me chercher en plein vent de sable, et qui plus est au fond de ce trou. Le point de l’eau, j’avais pour 4 jours d’eau au départ, mais entre hier et cette nuit j’en ai bu la moitié, donc à ce rythme et je ne vois pas comment faire pour boire moins, je suis mort demain soir…J’ en tremble d’effroi.
La journée sera longue, longue, sans fin, avec toujours ce vent infernal qui vous bloque jusqu’aux idées…La nuit suivante de même, avec en plus l’angoisse du lendemain qui vous sèche encore plus la gorge. Demain je n’aurai plus d’eau, donc plus de survie, comment je vais mourir… Je commence à délirer…
Dans la deuxième nuit, vers le matin la fatigue prend le dessus sur la nervosité et je tombe dans un profond sommeil duquel je ne me réveillerai peut être jamais…
C’est un très fort grésillement qui me fait sursauter, où suis-je, en enfer… non il y a la clarté du jour, je ne suis pas enseveli…
« Oh Oh tu nous entends, où es-tu, putain réponds, on est inquiet de pas te voir… »
C’est la VHF que j’avais oublié d’éteindre. Dans une ultime convulsion, je saisis le micro :
« vous êtes où, je suis au fond d’un trou, voiture cassée… » et je fonds en larmes à ne plus pouvoir parler.
« nous ça va on est arrivé ensemble au point GPS et depuis 2 jours on s’inquiète de ne pas te voir arriver, alors ce matin de bonne heure, le vent de sable s’étends calmé dans la nuit, on a décidé de revenir en arrière et d’essayer de te contacter tout le long du trajet. Donnes-nous ton point GPS et on arrive »
Le GPS, il est encore en marche, je vérifie le point qu’il me donne, ça à l’air cohérent, et je le leur transmets.
Ils sont à 5 kms et penses être là d’ici 1 heure environ.
Je suis hâté, mais je me surprends à remercier Allah.
1 h 30 plus tard, les copains sont là, et à voir leur tête, je ne dois pas avoir bonne mine, et personne n’ose lancer la moindre blague, tellement l’atmosphère est lourde et pesante.
Comme quoi la vie tient à peu de chose !
Et que un enchaînement de circonstances aggravantes peut creuser rapidement la spirale infernale qui mène à la catastrophe, voire même à la mort.
Je vous laisse le soin d’évaluer les différentes erreurs ( il y en a 21 ) et circonstances qui ont provoqué cette situation plus que critique, et que je souhaite que personne ne subisse même partiellement.
Loufennec
qui ressens encore beaucoup d’émotions pour avoir vécu en grande partie cette situation , et qui a su en tirer les conséquences qui lui ont forgé l’expérience d’être humble devant le désert et de toujours savoir anticiper afin de ne pas subir.
Je n’ai pas l’habitude d’intervenir sur les forums après certains messages sur le risque ou l’inconscience de fréquenter le désert, milieu hostile par nature.
Mais je voudrai vous faire part de mes quelques années d’expérience en ce milieu..
Le scénario ci-dessous qui peut aboutir à une catastrophe grave voir très grave… mort sur place, n’est qu’une reconstitution de faits réels vécus après 25 ans d’expérience de milieux hostiles, et qui heureusement ne se sont pas cumulés au même instant et au même endroit. Sinon je ne serai vraisemblablement plus là pour vous en parler.
Je souhaite simplement vous faire prendre conscience où peut entraîner la spirale infernale des risques mal maîtrisés.
Par une journée qui s’annonce très belle dès le matin au lever, voire même exceptionnellement chaude pour la saison, nous décidons de rallier un point GPS donné et ceci chacun de notre coté par l’itinéraire qui nous semble à chacun être le meilleur. C’est un petit challenge que nous avons l’habitude de nous donner pour confronter notre expérience de navigation et de progression dans les dunes. Le dernier arrivant le soir au bivouac au point GPS devant payer l’apéritif aux autres. Ceci revient à progresser seul, un seul véhicule sur un itinéraire pas du tout fréquenté.
Départ chacun pour soi dans une bonne ambiance de challenge et d’excitation, et surtout ne pas dévoiler ses intentions aux autres au cas où cela leur donnerait des idées, car naturellement mon itinéraire sera le meilleur, le plus rapide, et je serai le premier arrivé au point GPS. Donc départ sur un cap faux pour tromper l’adversaire.
Les premières dunes se passent très bien, le sable du matin est porteur, et la température agréable, pas du tout fraîche pour la saison. L’enthousiasme aidant je commence à prendre quelques risques en tirant tout droit dans de belles dunes sur un sable bien porteur, ce qui ne nécessite pas d’aller repérer les passages à pieds.
Puis ayant emprunté un plateau dunaire bien porteur, j’ai bien progressé le long de celui-ci avec une certaine facilité. Mais au bout d’un certain temps je me rends compte que je dérive par rapport au cap pour aller au point GPS, et je vais devoir faire une correction de cap. Qu’à cela ne tienne, j’ai l’habitude de ce genre de situations.
Donc 45° à droite en avant toute…
Tiens le sable est d’un coup bien plus mou, 1° plantage, pelletage et hop je repars. Pas pour longtemps, 2° plantage… idem je repars… puis au bout de quelques plantages il me faut sortie les plaques. Je suis aussi expérimenté à cela. Pas de problèmes… Mais le problème se reproduit de plus en plus fréquemment, et je constate que je transpire beaucoup à chaque fois, et que je consomme pas mal d’eau pour me ré-hydrater après chaque plantage… et même que la température est passablement montée depuis ce matin agréable, trop agréable peut être ce matin tôt.
Bigre ce nouveau plantage qui me paraissait anodin m’a un peu épuisé…et je me suis un peu excité sur la mécanique du véhicule pour en sortir car mon objectif d’arrivée le premier semble bien compromis. Une odeur de chaleur s’est dégagée du compartiment moteur, il va falloir faire gaffe…
Putain de merde, quel con je n’avais pas vu ce bordel de trou dans lequel je viens de me foutre comme un bleu…Le ton monte c’est pas bon signe…
Je m’excite à essayer de m’en sortir avec de multiples manœuvres en marche avant et marche arrière, mais rien n’y fait et j’enterre le véhicule de plus en plus. J’aurais dû sortir les plaques tout de suite…Je sorts du véhicule et il fait tellement chaud que je dois boire avant même de commencer à pelleter. Ce trou est un étouffoir. Je bois et rebois sans cesse pour pouvoir continuer de pelleter et d’essayer de poser les plaques. Je m’excite sur les plaques, aie je me tape la tête au tirant de pont, zut je finis par bien me couper un doigt avec ces bavures sur les plaques car dans la précipitation je n’ai pas mis les gants.
Je suis épuisé, mais j’ai réussi à mettre les plaques sous les roues, et bizarrement en me relevant j’ai eu comme un vertige… je dois vieillir…
Après avoir encore rebu presque un demi-litre je remonte dans le véhicule, il y fait une chaleur d’enfer le soleil ayant tapé sur la carrosserie pendant l’heure qu’il m’a fallu pour pelleter et mettre en place les plaques. Un peu épuisé, je m’empresse de démarrer le moteur pour sortir de ce trou au plus vite, et je contrôle mal la manœuvre et les plaques ripent dans un bruit d’enfer…Le véhicule n’a pas bougé…Je sorts précipitamment pour constater que les roues ne sont plus sur les plaques. Je vais devoir recommencer tout à zéro, et j’ai le moral à zéro.
Une heure plus tard après beaucoup de transpiration et d’eau consommée, je prends un peu de temps pour reprendre mon souffle et me concentrer pour ne pas rater la manœuvre.
Je repère même où je vais m’arrêter pour venir récupérer les plaques après m’être sorti de ce trou. Ok je suis prêt, et concentré.
2° courte, un filet de gaz, embrayé doucement, doucement, doucement… j’ai relâché entièrement la pédale et rien ne s’est passé, les roues ne patinent pas !!!???
Concentration, la vitesse a dû sauter…Vérification, point mort, 2° courte, embrayer doucement, un filet de gaz… Rien…Re-concentration… vérification de la boîte de vitesse puis de la boîte transfert, enclenchement longue puis courte, vitesse 2°… rien
Bon on se concentre, essai en 1° rien, essaie en longue rien, essai en marche arrière rien, rien rien de rien…
Seul un ronflement bizarre en provenance de la boite transfert…
J’essaie toutes les configurations possibles et imaginables… RIEN…
Le sang me monte à la tête… C’EST CASSE !!!!!!!
Merde de merde de merde…
Qu’est ce que je fais, et qu’est-ce que je vais pouvoir faire dans ce putain de trou ????
Je me surprends à avoir un tremblement de frisson, et pourtant il fait une chaleur d’enfer.
Cool, il faut respirer longuement, décompresser et évaluer la situation. Tiens le ciel s’opacifie.
Bon les copains, je vais les prévenir par VHF, non c’est même pas la peine d’essayer, au fond du trou, au milieu des dunes, vu le cap que j’ai pris au départ, on est beaucoup trop éloignés, alors je vais sortir la grosse artillerie : le téléphone satellite Thuraya, et ils vont venir me sortir de là.
Bon où j’ai mis le Thuraya… ah oui dans mon sac à l’abri de la poussière, et dans le ziplock.
Encore un effort épuisant dé-sangler et sortir les sacs. Je mets la main sur le Thuraya, le mets en marche… il ne s’allume pas, c’est pas bon signe. Re-essais même résultat. La batterie doit être vide, je ne l’avais pas vraiment contrôlée car je ne pensais pas en avoir besoin.
Je refouille dans mon sac et je sorts la prise allume-cigare que j’avais pris la précaution d’acheter et d’amener, on n’est jamais assez prévoyant quand on est dans le désert.
Je la branche, je rallume, ouf il s’allume…
J’attends que le protocole de roaming s’exécute. Tiens c’est bien long. J’attends encore et mon regard se pose à l’extérieur du véhicule au sommet de trou où… une rafale de vent soulève un paquet de sable qui vient se briser sur le pare-brise. Mauvais signe, le vent se lève…
Je reporte mon regard sur l’écran du Thuraya, toujours rien. Bon, concentration, il va falloir réinitialiser le protocole. Cela je sais le faire pour l’avoir de multiples fois enseigné à des co-équipiers. Aller je le reprends depuis le début.
A l’instant où je valide, je reçois le message PAS DE RESEAUX.
J’étais pourtant sure d’avoir fait tout correctement, qu’à cela ne tienne, je recommence tranquillement depuis le début en vérifiant bien à chaque étape.
Au bout du quatrième essais, je dois me rendre à l’évidence, il n’y a pas de réseau, donc PAS DE POSSIBILITES D’APPELER QUELQU’UN A MON SECOURS.
Je commence à trembler d’effroi voire de peur.
Là je ramasse en pleine figure une rafale de sable par la vitre de la portière restée ouverte.
Instinctivement je relève la glace, et lorsque celle-ci arrive en haut je sursaute d’effroi… le vent de sable est en train de s‘établir. Je sorts en trombe du véhicule, escalade le bord du trou, et là l’horreur, il n’y a déjà plus d’horizon et le sable court à grande vitesse à l’horizontale.
Je redescends précipitamment dans le trou et je m’enferme dans la voiture. En 15 secondes je suis trempé de sueur tellement la température est élevée, et je dois boire car j’ai la gorge sèche et la langue pâteuse.
Bon tant pis pour le sable qui va rentrer, je dois ouvrir la vitre pour ne pas suffoquer.
Bon, je respire profondément, encore et encore afin de me calmer.
Je n’arrive plus à me concentrer, je vais prendre un papier et un crayon pour noter la situation et mes idées à ce sujet.
Il est 17 h. Le vent a effacé mes traces. Je ne peux contacter personne. Je ne suis même pas sur l’itinéraire théorique qui mène du point de départ au point GPS. Il va falloir passer la nuit ici au fond du trou dans la voiture…Belle réjouissance, et demain !!! ???
Je n’ai pas mangé à midi, et je n’ai pas faim, seulement soif, soif, soif…
Toute la nuit, je vais faire des allers et retours avec le sommet du trou, pour ne constater que le vent ne se calme pas, et que progressivement le trou se remplit de sable qui commence à recouvrir les roues . Le seul moment où je m’assoupis, un horrible cauchemar me réveille en sursaut et en sueur, le sable est en train de m’ensevelir, et je ne peux plus respirer, comme dans le film Laurence d’Arabie où la personne disparaît dans les sables mouvants.
J’ai la bouche pleine de sable, et je me précipite à l’extérieur pour voir si le véhicule n’est pas ensevelit lui aussi. Ouf, guère plus que 3 minutes avant…
Toute la nuit, il a fallut que je boive pour m’hydrater.
Le matin, une lumière glauque, le vent qui continue à rugir de force.
Question : que faire, il n’est pas question de quitter le véhicule car là je suis mort avec certitude, mais qui va venir me chercher en plein vent de sable, et qui plus est au fond de ce trou. Le point de l’eau, j’avais pour 4 jours d’eau au départ, mais entre hier et cette nuit j’en ai bu la moitié, donc à ce rythme et je ne vois pas comment faire pour boire moins, je suis mort demain soir…J’ en tremble d’effroi.
La journée sera longue, longue, sans fin, avec toujours ce vent infernal qui vous bloque jusqu’aux idées…La nuit suivante de même, avec en plus l’angoisse du lendemain qui vous sèche encore plus la gorge. Demain je n’aurai plus d’eau, donc plus de survie, comment je vais mourir… Je commence à délirer…
Dans la deuxième nuit, vers le matin la fatigue prend le dessus sur la nervosité et je tombe dans un profond sommeil duquel je ne me réveillerai peut être jamais…
C’est un très fort grésillement qui me fait sursauter, où suis-je, en enfer… non il y a la clarté du jour, je ne suis pas enseveli…
« Oh Oh tu nous entends, où es-tu, putain réponds, on est inquiet de pas te voir… »
C’est la VHF que j’avais oublié d’éteindre. Dans une ultime convulsion, je saisis le micro :
« vous êtes où, je suis au fond d’un trou, voiture cassée… » et je fonds en larmes à ne plus pouvoir parler.
« nous ça va on est arrivé ensemble au point GPS et depuis 2 jours on s’inquiète de ne pas te voir arriver, alors ce matin de bonne heure, le vent de sable s’étends calmé dans la nuit, on a décidé de revenir en arrière et d’essayer de te contacter tout le long du trajet. Donnes-nous ton point GPS et on arrive »
Le GPS, il est encore en marche, je vérifie le point qu’il me donne, ça à l’air cohérent, et je le leur transmets.
Ils sont à 5 kms et penses être là d’ici 1 heure environ.
Je suis hâté, mais je me surprends à remercier Allah.
1 h 30 plus tard, les copains sont là, et à voir leur tête, je ne dois pas avoir bonne mine, et personne n’ose lancer la moindre blague, tellement l’atmosphère est lourde et pesante.
Comme quoi la vie tient à peu de chose !
Et que un enchaînement de circonstances aggravantes peut creuser rapidement la spirale infernale qui mène à la catastrophe, voire même à la mort.
Je vous laisse le soin d’évaluer les différentes erreurs ( il y en a 21 ) et circonstances qui ont provoqué cette situation plus que critique, et que je souhaite que personne ne subisse même partiellement.
Loufennec
qui ressens encore beaucoup d’émotions pour avoir vécu en grande partie cette situation , et qui a su en tirer les conséquences qui lui ont forgé l’expérience d’être humble devant le désert et de toujours savoir anticiper afin de ne pas subir.
Re: SAVOIR ANTICIPER SUR LES RISQUES EN MILIEU HOSTILE DESER
drôle d'histoire
, je ne pense pas que vous vous soyez relancé un tel défi. 


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Ivéco 3CCartier 55 17
Ivéco 3CCartier 55 17
Re: SAVOIR ANTICIPER SUR LES RISQUES EN MILIEU HOSTILE DESER
OH ....NON JAMAIS !!!
Je l'ai déconseillé impérativement, et je le déconeille à quiconque...

Je l'ai déconseillé impérativement, et je le déconeille à quiconque...
Re: SAVOIR ANTICIPER SUR LES RISQUES EN MILIEU HOSTILE DESER
froid dans le dos, un bon coup de pot comme on dit.
mais ce serait intéressant de détailler les 21 erreurs.
mais ce serait intéressant de détailler les 21 erreurs.
Re: SAVOIR ANTICIPER SUR LES RISQUES EN MILIEU HOSTILE DESER
personnellement je ne vois qu'une seule erreur: partir seul dans un véhicule, et surtout à UN SEUL véhicule
votre ballade en Tunisie est exemplaire: deux véhicules, et le luxe pour la sécurité: un quad !
votre ballade en Tunisie est exemplaire: deux véhicules, et le luxe pour la sécurité: un quad !
Re: SAVOIR ANTICIPER SUR LES RISQUES EN MILIEU HOSTILE DESER
Je ne partirais pas seul dans mon 4x4 sans autre 4x4........................ 

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Ivéco 3CCartier 55 17
Ivéco 3CCartier 55 17
Re: SAVOIR ANTICIPER SUR LES RISQUES EN MILIEU HOSTILE DESER
Merci d'avoir le courage de partager cela. Pas facile de se raconter comme ça...
J'organise des stages survie avec mes élèves de kungfu, on évoque des scénarios comme le tiens. Pas besoin forcément d'aller dans le désert, on peut faire la même chose sur une rando dans nos Pyrénées, par exemple.
Content que ça se soit bien terminé pour toi.
J'organise des stages survie avec mes élèves de kungfu, on évoque des scénarios comme le tiens. Pas besoin forcément d'aller dans le désert, on peut faire la même chose sur une rando dans nos Pyrénées, par exemple.
Content que ça se soit bien terminé pour toi.

Mon "TiPi" : http://forum.bernard.debucquoi.com/view ... =44&t=7561
Le "Mouka" : http://www.youtube.com/watch?v=4NQFa-31BEE
Le "Mouka" : http://www.youtube.com/watch?v=4NQFa-31BEE
- cyrchristo
- Petit Tambour
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- Messages : 956
- Enregistré le : 20 avr. 2011 13:49
Re: SAVOIR ANTICIPER SUR LES RISQUES EN MILIEU HOSTILE DESER

Tu nous l'as pas raconté celle là, au bivouac!!
T'avais peur qu'on saute direct sur le téléphone satellite


En tous cas, ça a dût être un sacré moment de solitude, cette expérience

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!.iveco.I<>[III\\______\_
!====I==I==I=\#-==-#\
!_/---\I___I_/---\_/-----/
--(o)_)---------(o)_)----(o)_)
Mes blogs de voyage:
http://lesaventuresdecyriletarmony.blogspot.com/ , http://cavalofroads.blogspot.fr/
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Mes blogs de voyage:
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Re: SAVOIR ANTICIPER SUR LES RISQUES EN MILIEU HOSTILE DESER
Loufennec a précisé: "Le scénario ci-dessous qui peut aboutir à une catastrophe grave voir très grave… mort sur place, n’est qu’une reconstitution de faits réels vécus après 25 ans d’expérience de milieux hostiles, et qui heureusement ne se sont pas cumulés au même instant et au même endroit. Sinon je ne serai vraisemblablement plus là pour vous en parler"
donc c'est un exemple de ce qui peut arriver lorsqu'on ne prend pas les précautions suffisantes en milieu hostile, et que la "loi de l'emmerdement maximum" s'applique malheureusement ...
je comprends que Claude a vécu plusieurs de ces conditions dans des circonstances différentes, et pas toutes à la fois (ou à la suite)
donc c'est un exemple de ce qui peut arriver lorsqu'on ne prend pas les précautions suffisantes en milieu hostile, et que la "loi de l'emmerdement maximum" s'applique malheureusement ...
je comprends que Claude a vécu plusieurs de ces conditions dans des circonstances différentes, et pas toutes à la fois (ou à la suite)
Re: SAVOIR ANTICIPER SUR LES RISQUES EN MILIEU HOSTILE DESER
Bonjour,
wahou, le souffle coupé par la lecture. Le récit est haletant, j'en ai eu le goût du sable (dont j'ai la hantise). Bravo pour ton talent de narrateur. Respect pour tes aventures.
lapetite
wahou, le souffle coupé par la lecture. Le récit est haletant, j'en ai eu le goût du sable (dont j'ai la hantise). Bravo pour ton talent de narrateur. Respect pour tes aventures.
lapetite
- bernard
- J'ai suivis les tutoriaux d'Hedge !
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- Enregistré le : 13 janv. 2007 16:45
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Re: Savoir anticiper les risques en milieu hostile désertiqu
Bravo pour ton récit, effectivement j’espère bien que les amateurs d'émotions y réfléchiront en deux fois avant de ce lancer dans des périples dangereux
si le forum peut déjà servir à cela j'en suis bien content .
Encore merci à toi Lou
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Le vin d'ici est meilleur que l'eau-delà.
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Bernard
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Bernard
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Re: Savoir anticiper les risques en milieu hostile désertiqu
Pour partir loin de tout, il faut essayer de prévoir même l'impossible...même si c'est impossible!
Mais l'essentiel dans le désert, avant tout, c'est l'eau!
Mais l'essentiel dans le désert, avant tout, c'est l'eau!

Si tout le monde avait été contre l'évolution, on serait encore dans les cavernes à téter des grizzlys domestiques. de Boris Vian






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Re: Savoir anticiper les risques en milieu hostile désertiqu
Bonjour,
Je me permet une petite intervention dans ce post.
Connaissant bien le désert, il m'arrive de le traverser seul en 4x4 mais jamais en "hors pistes" et je reste scrupuleusement sur des pistes fréquentées.
Mais dans l'histoire de notre amis une petite astuce pour pouvoir se signaler ...
Avoir toujours un pneu foutu et y mettre le feu (quand il n'y a pas trop de vent) La fumée noir dégagé se voit à des dizaines de kilomètres.....!!
Cela permet de vous repérer et de vous porter assistance.
boot
Je me permet une petite intervention dans ce post.
Connaissant bien le désert, il m'arrive de le traverser seul en 4x4 mais jamais en "hors pistes" et je reste scrupuleusement sur des pistes fréquentées.
Mais dans l'histoire de notre amis une petite astuce pour pouvoir se signaler ...
Avoir toujours un pneu foutu et y mettre le feu (quand il n'y a pas trop de vent) La fumée noir dégagé se voit à des dizaines de kilomètres.....!!
Cela permet de vous repérer et de vous porter assistance.
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Re: Savoir anticiper les risques en milieu hostile désertiqu
Je pense que si c'est une question de survie, la roue de secours peux faire l'affaire......................... 

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Re: Savoir anticiper les risques en milieu hostile désertiqu
j'préfère crever plutôt que de brûler mon pneu de secours!!



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Re: Savoir anticiper les risques en milieu hostile désertiqu
gradateur a écrit :j'préfère crever plutôt que de brûler mon pneu de secours!!![]()







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trésorier de l'Asso ....
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